Islam, relecture ou terrorisme ?(1)
Après les attentats du 11 septembre 2001 j’ai essayé, comme beaucoup d’entre nous, de mieux comprendre les bases de la religion islamique. Deux mois plus tard je postais sur le blog que je tenais alors un article intitulé Islam, relecture ou terrorisme ? En janvier 2015 j’ai re-publié le même article , sans avoir à le remanier. Nous sommes en 2025; c’est le moment d’y revenir, pour la même raison quand 2015 : parce que sur le fonds rien n’a changé. Ou plutôt, tout s’est aggravé. Après un quart de siècle la réponse que donne l’Histoire à la question posée dans le titre de l’article de 2001 est claire : il n’y a pas eu de réforme de de l’Islam alors que le terrorisme, dans cette formule « allégée » qu’est l’usage du couteau, est devenu une pratique quotidienne. Aux attentats majeurs, compliqués à mettre en œuvre, s’est substituée l’initiative individuelle.
Sur ce qui se passe aujourd’hui, d’excellentes analyses sont disponibles et j’y reviendrai dans un troisième article, qui, je le crains, sera un peu moins modéré que les deux premiers. Mais il n’est il n’est peut-être pas inutile de reprendre aujourd’hui la démarche proposée en 2001 : fournir au lecteur les éléments d’information qui lui permettent de comprendre pourquoi une réforme de l’Islam est difficile est peut-être impossible, pourquoi le rapport des musulmans à l’Occident est compliqué sinon conflictuel et pourquoi l’Islam contient un principe de prosélytisme qui l’amène à vouloir conquérir le monde non-musulman.
La première partie du texte interroge le contenu de la religion musulmane dans son rapport à l’Occident ; la seconde partie retrace les circonstances historiques qui ont encouragé le développement d’une interprétation radicale de l’Islam par les gouvernements arabes, et malheureusement aussi par certaines puissances occidentales pour des raisons de géopolitique.
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FRICTIONS ISLAM-OCCIDENT
De la parole révélée à la clôture de l’itjihad
L’actualité nous éloigne du contenu spirituel, de la sagesse de cette religion, de son sens profond, vécu par ses fidèles. Les notions rappelées ci-dessous, en espérant ne pas commettre trop d’erreurs, ne sont donc qu’une liste des points de friction possibles ou avérés entre Islam et Occident.
Ce qui fait problème, dans les rapports entre la culture islamique et la culture occidentale, ce ne sont pas la transcendance, l’ineffable, la poésie arabo-musulmane, dont on dit qu’elle est la plus belle qui soit, mais l’Islam comme religion de fer ; c’est tout ce qui peut amener ses fidèles à croire que le monde hors Islam est mauvais, corrompu et persécuteur des vrais croyants. Si on retient ici la lettre des textes, ce n’est pas pour en dévoyer l’esprit, mais parce qu’une partie des musulmans exige précisément que les écritures saintes soient appliquées à la lettre.
La parole de Dieu
Le grand miracle revendiqué par l’Islam (par ailleurs beaucoup plus méfiant à l’égard des miracles que le catholicisme), est que le Verbe se fait Livre. Le Coran est considéré par lui comme la parole de Dieu pure et directe ; il est la récitation — pas la transcription ou la traduction — par Mahomet du message divin descendu en lui.
Par comparaison, les Évangiles ne sont que la parole des apôtres. On peut imaginer dans la religion catholique que les hommes commentent, discutent, ce qu’ont écrit d’autres hommes à propos de Dieu. Mais si le Coran est Dieu, comment un simple humain pourrait-il dire là-dessus quelque chose? Comment en changer une virgule, comment en omettre sciemment certains passages difficilement acceptables aujourd’hui et rester de bonne foi ?
Conclusion des érudits musulmans : Dieu étant éternel, le Coran l’est aussi, il est incréé, seules les lettres qui le reproduisent le sont. La puissance de l’affirmation coranique, que les musulmans perçoivent comme une chance inouïe, apparait aux non-musulmans comme un effrayant problème.
L’unicité de Dieu
Un ami de ma famille, l’orientaliste Roger Arnaldez, insistait sur le fait que le dogme de l’unicité de Dieu est le dogme essentiel de l’Islam, religion du monothéisme par excellence. Le polythéisme — Bouddhisme, Indouisme — mais aussi la doctrine chrétienne de la sainte Trinité, sont vivement condamnés par le Coran, qui y voit la marque des hypocrites.
Le libre arbitre, l’espace de la liberté humaine face au Dieu tout puissant, a été un moment accepté par les penseurs musulmans. Inspirés par la philosophie grecque, le mouvement des Mutazilites, autour du Xe siècle, a défendu l’idée que l’homme était capable de faire la distinction entre le Bien et le Mal. Ils furent combattus (leurs livres brûlés) par les tenants de ce qui allait devenir l’orthodoxie (au moins chez les sunnites; 90% des musulmans) qui voient là une atteinte à la toute-puissance de Dieu, estimant que la notion de Bien ou de Mal ne peut venir que d’une révélation.
On voit ce que cette perspectives totalisante — sinon totalitaire — peut engendrer comme difficultés à l’époque contemporaine. Dans ce contexte, la notion de Progrès n’a guère sa place, ni le doute philosophique, ni l’examen rationnel d’un problème indépendamment de ses connotations religieuses. Si nous nous mettons un instant du point de vue d’un croyant, d’un étudiant en théologie islamique — le monde dans lequel nous vivons doit lui apparaître comme un blasphème permanent.
La fusion du spirituel et du temporel
Mahomet est chef de guerre et homme politique, législateur et justicier. Il confond dans sa personne tous les pouvoirs que l’Occident s’est appliqué à séparer. Selon les Évangiles Jésus aurait dit : «Mon royaume n’est pas de ce monde» et « Rendons à César ce qui est à César et à Dieu ce qui est à Dieu ».
L’idéal du christianisme est qu’advienne le royaume de Dieu sur terre. Dans l’Islam, la société est déjà dans le royaume de Dieu. La distinction entre le spirituel et le temporel devient difficile, sinon impossible. L’idée même d’une séparation de la religion, de la société et de l’Etat (daoula) est dénuée de sens dans l’Islam classique (le mot daoula ne se trouve d’ailleurs pas dans le Coran).
Selon Hami Ramadan, directeur du Centre Islamique de Genève, « le seul fait d’admettre qu’un quelconque régime politique puisse légitimement remettre en cause la loi divine est un acte d’idôlatrie » (cité par Michel Tribalat dans le Figaro du 21/09/2001). Pour Jacques Rollet (théologien, auteur de Religion et politique. Grasset 2001) : « Il n’y a pas, dans la religion musulmane de moyen de distinguer le religieux du politique » et donc, « La Démocratie occidentale, telle qu’elle est pratiquée en Europe n’est donc pas directement imaginable dans le monde musulman ». Dès lors, la laïcité fait problème, engendrant une suspicion d’athéisme, qui est, lui, sévèrement condamné par l’Islam.
L’individu invisible
Le message de Mahomet est en phase avec la société de son temps, tribale, clanique, où le groupe est en tous points plus important que l’individu. Cela engendre une morale de monde clos, qui crée des valeurs — qui, à nos yeux, sont belles pour autant qu’elles ne soient pas exclusives — comme la cohésion, la solidarité, la générosité.
Chacun veille sur l’autre, libre de le surveiller même et de se mêler de ses affaires, pour son bien. Selon le point de vue d’où on se place, on parlera de sollicitude ou de soumission et d’oppression sociale. En tout état de cause, la cellule familiale éclatée, l’individu qui trace son chemin dans la vie en ne comptant que sur lui-même et/ou sur l’aide de son père et de sa mère, est un modèle social étranger à l’Islam traditionnel.
Le statut de la femme
Même si elle peut être considérée comme inachevée, l’émancipation de la femme, son autonomie professionnelle et sociale, sont autant de faits acquis en Occident. Si les cultures islamiques et non-islamiques devaient se rapprocher dans le futur, transiger sur ce point sera pour l’Occident impensable. Mahomet a apporté un progrès à la société préislamique en interdisant de tuer les filles à la naissance ou de les enterrer vivantes en cas de disette… Pour le reste, le Coran et la Tradition considèrent la femme comme inférieure à l’homme. Non pas dans la vie sexuelle, ni comme inspiratrice de la passion amoureuse, mais en tant que personne.
L’Islam aurait, écrit Anne-Marie Delcambre, « une conception de la femme réduite à un corps », avant d’ajouter : « L’idéal de la belle génisse fut longtemps dans l’inconscient musulman ». La femme est soumise au plaisir de l’homme : « Une femme ne doit jamais se refuser à son mari, fût-ce sur le bât d’un chameau ou sur le bord supérieur d’un four embrasé ». L’homme peut la répudier, mais pas l’inverse et il peut avoir jusqu’à cinq femmes s’il est capable de les traiter équitablement.
Coran, Suna, Charia : le quotidien réglementé
Les Évangiles ne légifèrent pas sur le quotidien des hommes, alternant plutôt paraboles moralisantes et grands principes. Le Coran passe indifféremment des hauteurs de la foi au calcul de la part d’héritage qui revient à la veuve, à la façon dont les femmes du prophète doivent porter un voile (« O Prophète, Dis à tes épouses, à tes filles et aux femmes des croyants de se couvrir de leur voile. C’est pour elles le meilleur moyen de ne pas être offensées. » (Sourate 33). Classées par ordre de longueur, les différentes subdivisions du coran (les sourates) sautent d’un sujet à l’autre, passant du prosaïque au sublime, au point, comme le dit justement Anne-Marie Delcambre, qu’un lecteur Occidental «ne voit bien souvent dans le Coran qu’un texte obscur, sans logique, sans ordre et dont la lecture est décevante ».
Le point ici n’est pas de porter un jugement sur le fond ; un texte n’est pas sans intérêt parce que difficile d’accès et, après tout, le lecteur occidental pourrait bien se donner un peu de mal. Ce qui fait problème, dans les rapports Islam/non-Islam, tient à l’accumulation de règlementations sur les circonstances petites ou grandes de la vie quotidienne. Certaines peuvent passer pour des particularismes culturels secondaires — la longueur de la barbe, ne pas souffler sur sa soupe, l’usage de la main gauche — mais d’autres sont pour l’Occident source d’horreur, comme la lapidation ou l’amputation d’une main pour les voleurs.
Après le Coran, la Suna, qui constitue la seconde source de l’Islam, représente la Tradition, ou en quelque sorte, le bon Coran tel qu’il se déduit des récits de la vie de Mahomet. En cas de contradiction entre le Coran et la Suna, c’est même la Suna qui l’emporte. Mohamed Khadafi, en Lybie, avait critiqué cette surévaluation de la Suna, affirmant au contraire que le Coran était la seule source digne de foi.
La Charia, ou « voie à suivre » est la loi coranique, le corpus des commandements et des interdictions, mais aussi des recommandations et des mises en garde, qui ne se trouveraient pas déjà dans le Coran ou la Suna. Elle définit les obligations du culte, les obligations concernant les relations en société (droit privé, délits et crimes), les interdictions d’ordre alimentaire. Là aussi, aux yeux d’un Occidental, l’essentiel et le transitoire se côtoient sur le même mode impératif.
La Charia définit les “cinq piliers » de la religion (profession de foi, prière, aumône, jeûne, pèlerinage), dont on n’a pas de peine à comprendre l’importance, mais c’est elle aussi qui passer la sanction de l’adultère des cent coups de fouets prévus par le Coran à la lapidation, encore appliquée en Arabie saoudite. Là où le Coran se montre un peu incertain quant à la nocivité de l’alcool, les juristes de l’Islam, s’exprimant à travers la Charia, ont décidé de punir de vingt coups de fouet le fait de boire du vin…
Tout est dit il n’y a donc plus rien à dire
Qui jugera les juristes ? En principe, l’Islam est une communauté sans chef, ni spirituel ni temporel. Pas d’Église, avec ses prêtres, ses évêques, ses cardinaux et son Pape, pour moduler le message divin au fil des siècles. Vatican II, et l’aggiornamiento qu’il a imposé aux fidèles et à leurs guides spirituels, est difficile à concevoir, sinon impossible, en Islam.
Si, pour les croyants occidentaux et orientaux Dieu « est », pour les occidentaux l’Humanité « devient » et son rapport à Dieu évolue avec le temps. Chez les chrétiens, le “peuple de Dieu” s’interroge sur son rapport à la divinité, conscient que ce “rapport humain” à la Transcendance est imparfait comme la nature humaine et donc évolutif, améliorable. Pour l’Islam, le Coran et la Suna ont dit le tout de tout et pour toujours, par conséquent rien ne doit être modifié.
Que l’on dirige le détail de la vie des hommes du troisième millénaire en appliquant à la lettre des prescriptions figées avant l’an mille, n’est pas censé provoquer le moindre malaise. On se doute bien qu’il n’en a pas été toujours ainsi et que, dans une culture fascinée par le verbe — arab et littérature ont la même racine en arabe — les exégèses, les écoles juridiques et les schismes n’ont pas manqué. Particularismes que l’on retrouve inévitablement quand on parle de l’Islamisme. Mais partout, le dogme de l’application rigide des textes fondateurs et l’exigence de la soumission de l’homme à sa foi et à ses guides spirituels prévalent, gommant les différences.
Soumission, punition
Soumission du fidèle, punition des infidèles. En lisant le Coran pour la première fois, on est frappé par deux thèmes qui reviennent sans cesse : la soumission à Dieu, la punition des mécréants. Dieu sait tout, l’homme ne sait rien, qu’il se taise et obéisse. Dieu s’affirme comme miséricordieux, mais rappelle à l’homme qu’il observe le moindre de ses gestes et que, s’il sait récompenser, il saura aussi se montrer sans pitié.
Quant à l’Autre du Coran, le Chrétien, le Juif, celui qui partage la tradition du Livre ou, pire, qui croit encore à d’autres Dieux, il fait l’objet d’une attention inquiète, sourcilleuse, un peu obsessionnelle. Les règles d’une cohabitation avec les autres peuples du Livre sont précises, mais parfois contradictoires ; comme si on voulait bien tolérer autour de soi des cousins qui susciteraient cependant une exaspération qui ne demande qu’à exploser.
Mahomet n’a pas été un exemple de patience avec les Juifs. En 622, par la Constitution de Médine, il fait entrer juifs et arabes dans une sorte de confédération d’assistance mutuelle. Mais, dès 624, il chasse de Médine la tribu juive des Qaynuqâ et confisque leurs biens. Puis ce sera le tour de la tribu juive de Banû Nadhîr, avant celle des Banû Qurayza, dont les membres seront décapités. En 628, il recommence avec les juifs de la palmeraie de Khaybar, à cent cinquante kilomètres de Médine.
Le Coran stipule que le musulman veillera à respecter le Chrétien et le Juif, pour autant qu’ils ne s’opposent pas aux lois de l’Islam. Ce qui laisse incertain le moment de bascule où les musulmans peuvent légitimement imposer l’Islam à la société dans laquelle ils vivent. (« Les Juifs disent Esdras fils de Dieu ; les Chrétiens disent le Messie fils de Dieu : ce n’est là qu’un propos de leur bouche analogue à celui des dénégateurs de jadis. — Dieu les combatte! Comment à ce point se fourvoyer ! Ils se donnent pour maîtres leurs docteurs et leurs moines en place de Dieu, (et font de même) du Messie fils de Marie. Et pourtant il leur a été commandé de n’adorer qu’un seul Dieu— il n’est de Dieu que Lui, tellement au-dessus de ce qu’ils lui associent ! » (Sourate IX, vs 30– 31, dans la traduction de Jacques Berque).
Le glaive et la conquête
La vie de Mahomet est une vie de combats et de guerres, dans une culture tribale qui les valorise. Un de ses premiers exploits est typique d’un chef bédouin : la razzia contre les mecquois de 623. « Soignez vos lances et vos arcs. Par eux, la victoire fut acquise au Prophète, par eux s’étendirent vos conquêtes » lui fait dire la Tradition. Pour l’Islam, la géographie du monde se divise en trois catégories :
Dar el islam, la « demeure » ou le « territoire de l’Islam », qui est aussi dar el salam, « le territoire de la paix » : là où l’islam est la religion principale. C’est là que réside la communauté des musulmans, la oumma. Une communauté dont l’unité est à vrai dire plus symbolique que réelle ; mais ce symbole même conforte les musulmans dans un sentiment d’appartenance sécurisant.
Quand Mustafa Kemal (Atatürk) abolit le califat en 1924, il provoque un trouble dans la communauté musulmane; il crée en quelque sorte des orphelins, qui se cherchent désormais et des limites et un centre. Seul l’imâm Khomeiny, lorsqu’il prononça sa fatwa contre Saliman Rushdie en 1989, recréera d’une certaine façon une communauté des musulmans, mais sans frontières cette fois, à l’échelle de la planète.
Par opposition, dar el kufr, le « territoire de l’impiété », dit également dar el harb, le «territoire de la guerre », est le monde non musulman, perçu comme hostile et qui devrait être progressivement gagné à l’Islam par la prédication et les conversions, voire par les armes.
Dans une situation intermédiaire se trouve le dar al-sulh, « terre de la conciliation » ou dar-al- dawaà « terre de la prédication », ces lieux où le musulman peut prêcher sa foi au milieu des infidèles. La réciproque n’est pas vraie : détenir chez soi une Bible constitue, en Arabie saoudite en tout cas, un délit.
Mais le Coran ou la Sunna ne prévoient rien de plus précis qui puisse orienter les actions des musulmans non-arabes répartis à travers le monde, et qui sont aujourd’hui sept fois plus nombreux que les musulmans arabes. Les théoriciens islamistes se chargeront de combler ce vide.
Le djihad
Du vivant même de Mahomet, ses contemporains considèrent ses victoires militaires comme la preuve de la justesse de sa cause. En deux ou trois siècles, l’Islam connaît une expansion foudroyante, qui sera ensuite amplifiée par la dynastie Abbasside, puis par les conquêtes de l’empire Ottoman.
Toutefois, le jihad n’est pas un pilier de l’islam. Avec charia et taliban, c’est sans doute un des trois mots arabes que l’on retrouve le plus souvent dans les médias du monde entier depuis le 11 septembre 2001… Il commence à être employé dès 624, après la victoire de Badr contre les Mecquois. On l’a vu, la première bataille contre les Mecquois, en 623, était une razzia et reconnue comme telle. Mais la seconde, qui amène Mahomet à violer les usages au cours de ce qui était alors un mois sacré de pèlerinage, est déclarée guerre sainte contre les ennemis d’Allah ; ceux qui mourront au combat recevront le titre de chahîd (martyr).
Au sens premier, le jihad décrit d’abord l’effort fait sur soi-même pour être meilleur. C’est ce que les musulmans appellent le jihad intérieur ou jihad majeur. C’est par extension que le mot désigne une guerre considérée comme sainte, jihad mineur ou extérieur (le Prophète a employé à son propos l’expression al jihad-l-asghar, ou petit effort).
Mais ce terme peut aussi désigner l’effort pour propager l’Islam. On distingue alors, selon Gilles Kepel, deux types de jihad : le “jihad offensif d’abord, ou des musulmans attaquent un territoire non musulman. C’est une obligation qui concerne seulement le commandeur des croyants— le chef de la communauté— et les combattants. Le jihad défensif, ensuite : il est beaucoup plus important car c’est une obligation de chacun quand l’oumma— la communauté des croyants— est en danger. Tout le monde doit y participer dans la mesure de ses moyens. » (Libération du 19/11/ 2001). Pour les oulémas d’obédience saoudienne, le jihad en Afghanistan, envahi par les « impies » soviétiques, est défensif. Pour Ben Laden, le jihad contre le régime saoudien, qui tolère sur la terre sacrée de la Mecque les « impies » américains est défensif. On n’aura pas de mal à comprendre que pour les musulmans le conflit israélo-palestinien puisse être lui aussi un jihad défensif.