L’homme qui voulait pourrir la France (et les Français)

Chronique du Macronistan

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Petit-fils de Belzébuth, fils de Sauron et cousin de Nosferatu, celui « dont on ne doit pas prononcer le nom » sauf à voir sa descendance engendrer douze générations de gnomes à bec de lièvre et regard vitreux, mais que nous appellerons « M Le Maudit » – soit « MLM » dans la nomenclature internationale des Grotesques – rêve de pourrir la France et les Français, ce qui vaut bien une notule dans le blog que vous avez sous les yeux.

La croissance de ce jeune prodige, la bizarrerie de son comportement, dans laquelle le bon peuple a rapidement repéré des traces de déséquilibre mental (la classe politique restant peureusement muette sur ce sujet), la nature des réformes qu’il a voulu imposer, son ambition de devenir le prochain grand vizir de l’Union-Européenne-vassale-des-États-Unis, son affiliation – celle-là encore moins avouée – à un néo-libéralisme transnational et ploutocratique, tout cet ensemble à la fois distrayant et malsain constitue le plus bel épisode tragi-comique que la Vème République ait connu à ce jour. Certes il nous aura fait beaucoup souffrir, mais Dieu sait à quel point il nous a distrait dans chaque scène de son petit théâtre de l’absurde. Nul doute que ses victimes sauront lui exprimer leur gratitude en clouant sur le mausolée qui scellera son confinement définitif : « Au Néron du Touquet, tu nous as bien faire rire Toto ».

Prisonnier de son ego

Cet individu transgressif se met à vivre l’adolescence avec son ancienne maitresse d’école, qui a l’âge d’être sa mère. Cet exploit donne à MLM la certitude qu’il est par nature au-delà des limites. Libéré d’une généalogie (famille, rôle du père) qui d’ordinaire encadre le développement de chacun, son ego peut se développer sans frein. Le peu que les livres qui lui sont consacrés nous apprennent sur cette enfance et cette adolescence me fait penser à l’atmosphère une peu glauque, animée de passions aussi souterraines que puissantes que Sartre a décrit dans ces textes aujourd’hui oubliés que sont L’enfance d’un chef (dans Le Mur) et la description de la famille Schweitzer dans Les Mots .

Immense par l’ambition mais modeste par la culture (l’entendre improviser quand il ne lit plus le texte qu’on lui a préparé révèle que la syntaxe du Français reste pour lui un continent inexploré), notre Rastignac de bord de mer va monter à la conquête du monde en passant par Paris, à la conquête de l’argent en passant par la banque et à la conquête du pouvoir en manipulant M.Oopslande, un fin tacticien de l’appareil socialiste mais pour le reste un benêt arrivé à l’Élysée sur un malentendu.

Il faut lui reconnaître le haut degré de volonté et de persévérance dans l’effort que révèle sa trajectoire : il pourrait faire sienne la devise du grand dramaturge italien Vittorio Alfieri : « Volli, sempre volli, fortissimamente volli » Toutefois l’observateur le moins averti constate qu’à cette volonté forte s’associe un sens aigu de la manipulation, le goût des manœuvres obliques, des vérités de circonstances, taillées sur mesure pour le public du moment.

Parler pour s’écouter parler constitue l’essentiel de son rapport aux français. Il adore (se) séduire en parlant des heures durant devant un auditoire, exercice qu’il appellera « être à l’écoute ». Au 18ème siècle, le jésuite italien Gabriel Malagrida nous avait prévenu : « La parole a été donnée à l’homme pour cacher sa pensée. » La preuve par la logorrhée de MLM est éclatante. Vous l’écoutez, il vous noie ; sous son regard de Gorgone votre pensée se ralentit puis se fige. Nouvel Hannibal Lecter, il profite du silence des agneaux qu’il a plongé dans un état de sidération.

Président des riches

On en conclurait que son allégeance profonde n’est qu’à lui-même ; pourtant il se montre bien petit et bien peu Français (sans doute y voit-il un titre de gloire, à la façon d’un Jean Monnet) devant les « Grands ». Parvenu au plus haut poste sans avoir jamais accompli (reconnaissons qu’il n’en a pas eu le temps) quelque chose de vraiment significatif il est impressionné par des personnes à qui la vie a donné une épaisseur humaine, comme la chancelière Merkel, ou qui ont bâti de grandes fortunes, comme les milliardaires qui ont dirigé l’opération de marketing politique qui l’a amené au pouvoir.

Derrière le paravent qui présente ses décisions comme courageuses, novatrices, startupistes même, MLM renvoie l’ascenseur à ceux qui l’ont aidé, comme le montre son souci d’avantager les entreprises et la fortune et son obstination à vouloir vendre la France par bouts, à privatiser ce qui devrait rester au service de la communauté nationale, quitte à procéder dans sa hâte avec l’efficacité d’un Gribouille sautant dans l’eau pour se protéger de la pluie, comme on l’a vu avec cette privatisation croupion de l’EDF qui fait tant de mal à la France, ou avec ce renoncement au nucléaire sur lequel il a dû revenir après avoir sacrifié les intérêts de la France aux intérêts géoéconomiques des États-Unis.

Pourrir la France en la bordélisant

Mégalomane à tendance suicidaire, MLM a pris les moyens de pourrir la France, et quand il s’agit de «bordéliser » son environnement il se montre particulièrement inspiré. Il mène sa campagne de destruction sur deux fronts « en même temps » : un usage frauduleux de la Démocratie et l’asservissement de la France à l’Étranger.

Dans le champ démocratique, MLM se fait élire en annonçant qu’il allait créer un nouveau centre de la Raison (électorale), une fusion encore jamais observée de la Droite et de la Gauche, qui soutiendrait la vaillance du jeune chef dans ses entreprises, l’audace d’un génie donné à la France pour dépasser victorieusement les contingences humaines, économiques, politiques et géopolitiques dans lesquelles ses prédécesseurs s’étaient laissé embourber.

Une fois élu il gouverne en n’écoutant que son ego.. À deux ou trois exceptions près ses ministres doivent être aussi translucides que celui qu’il a nommé au poste de Ministre Étranger aux Affaires. Les députés de sa relative majorité, surgis de la fascination qu’il a un moment exercé sur les Français tels des champignons après la pluie, sont priés de bien voter et de se taire encore mieux. On les place sous la férule de quelques garde-bœufs plus ou moins inspirés, comme un certain Gilles Legendre, propulsé au perchoir de l’Assemblée Nationale, qui attribua l’échec d’un projet de loi au fait que son camp avait été « probablement été trop intelligent, trop subtil ». Cette sortie date de décembre 2018 : bien des Français ont réalisé alors que le bon sens existe à basse altitude mais pas dans les hauteurs quasi célestes de la MLMerie.

La France plongée dans le dissolvant néo-libéral

MLM rêve de donner à la France la place qu’elle mérite à ses yeux. C’est à dire aucune. Les Français ont mis du temps à le comprendre, même si certains signes auraient dû les alerter. Ainsi le fait qu’il critique régulièrement les Français quand il est à l’étranger, les remarques méprisantes qu’il adresse à ceux qu’il croise dans la rue, ou son discours confus sur l’absence d’une culture française. C’est que MLM est le produit achevé du néolibéralisme économique.

« Néo-libéralisme », l’étiquette se retrouve partout aujourd’hui sans que la plupart des Français sachent vraiment ce qu’elle recouvre. Le phénomène est plus ancien que l’on ne pense. Il traduit d’une part une radicalisation de la pensée économique libérale, par abandon des éléments de modération et de régulation de l’économie, comme ceux que l’on trouve chez Adam Smith ou Stuart Mill par exemple. Ensuite, à partir des années 80 s’est renforcé ce qui est la poutre maîtresse de la pensée libérale en économie : la conviction que la poursuite de l’intérêt particulier est le meilleur moyen d’assurer la prospérité de tous. Les chefs d’entreprises et les acteurs de la sphère financière se sont sentis de moins en moins tenus de laisser une partie de leurs gains au « travail », par rapport au « capital ». Cela s’est traduit par une montée en puissance des actionnaires, une exigence de profitabilité plus élevée (on vise 15% aujourd’hui quand on se contentait naguère de 10% voire moins), une « austérité salariale » synonyme de compression des salaires, une prècarisation des conditions d’emploi pour que celui-ci coûte globalement moins cher, mais aussi la privatisation la plus large possible de l’économie et une réduction des services publics, désormais perçus comme des « centres de dépenses », qu’une bonne logique gestionnaire libérale se doit de réduire au maximum.

Cette tendance longue s’est affirmée au fils des années, mais elle a été traversée, enrichie, encadrée, par un courant apparu en Allemagne dans les années 20, l’ordolibéralisme. Il s’agit, pour faire court, d’organiser la société autour de l’économie de marché, mais en encadrant celui-ci pour mieux assurer sa liberté et son efficacité par une architecture juridique qui énonce les règles à suivre et contrôle leur application. L’Union Européenne constitue la forme achevée de ce mariage entre le libéralisme désinhibé et l’État de Droit. Tout doit être fait pour favoriser la « concurrence libre et non faussée » telle que la conçoivent des juges-législateurs non élus, qui vous mitraillent de règlements et vous sanctionnent à répétition.

L’ordolibéralisme, comme le libéralisme économique quand il est poussé aux extrêmes, fait de l’entreprise et de l’entrepreneur la clé de voûte de la société. Nul besoin désormais de souveraineté, de frontières ou de nations : l’individu-entreprise doit être libre de créer de la richesse en tous lieux et dans toutes les formes admises par la doxa néo-libérale. La mondialisation, la délocalisation des productions, une immigration de travailleurs acceptant de bas salaires sont bonnes pour les affaires et doivent être encouragées.

Tel est le cadre général. À un niveau un peu plus sociologique l’exaltation de l’individualisme produit des autofondés pour lesquels le monde commence avec eux et se résume à leurs projets et à leurs désirs. Doublement déracinés, puisqu’ils sont libérés de la religion et de toute culture historique (ce que l’on appelait naguère la « culture générale ») ils expérimentent la construction du Moi comme un tout et nous nous observons la montée apparemment irrépressible de la barbarie.

MLM maître du monde

Le domaine de la politique étrangère et celui de la Défense ont ouvert de merveilleuses perspectives à la mégalomanie de MLM. On peut imaginer quel « ego trip », quelle dilatation du Moi – procure à un jeune homme le fait de côtoyer des chefs d’État, de participer à des conciliabules au cours desquels se décide le sort de l’Europe et peut-être du monde. Il faut à un homme sain d’esprit beaucoup de force de caractère pour garder son sang-froid dans un tel contexte et rester conscient de ses limites personnelles et de celles du pays que l’on représente. Pour une âme naturellement exaltée le risque d’explosion en vol est majeur.

Aussi n’a-t-on pas été surpris de voir que dès le début de son premier quinquennat MLM se posait en redresseur de tort et donneur de leçons sur la scène internationale. Son volontarisme a pu paraître sympathique au début face à l’immobilisme qui prévaut trop souvent dans les rapports internationaux, mais l’exécution de ses multiples grands dessins a fait chaque fois penser à un enfant traversant le pont d’Arcole sur un cheval de bois. Son bilan diplomatique est dérisoire et un embarras pour la France. Au comptoir du Café du Commerce, sur lequel s’accoude le bon sens des « gens de rien », on murmure que la France est trop petite pour lui, que seule une présidence d’un État fédéral européen serait à son niveau.

Alors qu’il s’enfonçait dans le ridicule diplomatique, la guerre en Ukraine a donné à MLM l’occasion d’une renaissance périlleuse et tragique sur la scène internationale. Il a saisi tous les moyens pour prendre la tête de la croisade otanienne contre la Russie. Même Von der Leyne la belliciste s’est trouvée dépassée. C’est que voyez-vous, la France dispose de l’arme nucléaire – que MLM céderait volontiers à l’Europe, comme le siège de la France au Conseil de Sécurité des Nations Unis – et que l’armée française dispose de quelques échantillons des équipements militaires les plus modernes. Elle pourrait même faire face pendant au moins une semaine à un conflit de haute intensité. C’est vous dire à quel point l’armée russe a bien raison d’avoir peur de nous.

Nul sait jusqu’où l’hubris occidental, la mégalomanie de certains hommes ou femmes politiques, l’impérialisme américain, conduiront le conflit en cours. Si la catastrophe devait se concrétiser ce serait une maigre consolation de savoir que les MLM de ce monde pourraient être un jour poursuivis par leurs peuples pour crime de haute trahison.

À l’heure où je pixelise ces lignes à l’écran MLM poursuit son Grand Œuvre, faire de la France une simple unité de production du grand consortium mondial. Souhaitons qu’il choisisse bientôt de prendre de longues vacances.

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Les mains sales